Albrecht Dürer, (« Albert » la version traduite de son prénom est aussi d'usage pour les francophones), né le 21 mai 1471 et mort en 1528 à Nuremberg est un peintre, graveur et mathématicien allemand. Il signera Albertus Dürer Noricus (de Nuremberg) ou Dürer Alemanus ou encore de son monogramme. Biographie
Autoportrait à la fourrure, 1500Albrecht Dürer est le troisième enfant d'Albrecht Dürer l'Ancien, orfèvre originaire de Hongrie et arrivé à Nuremberg en 1455. Selon la tradition familiale, Albrecht est lui aussi destiné au métier d'orfèvre. À 13 ans, il en devient donc l'apprenti pendant trois ans et apprend à se servir du burin et de la pointe. Voyant les dons de son fils pour le dessin, Albrecht l'ancien lui donne la permission d'entrer dans l'atelier d'un peintre. C'est ainsi qu'en 1486 il devient l'apprenti de Michael Wolgemut, avec qui il apprend à manier la plume et le pinceau, à copier et dessiner d'après nature, à réaliser des paysages à la gouache et à l'aquarelle et également à peindre à l'huile. Il se familiarise également avec la technique de gravure sur bois.Il est très influencé par Martin Schongauer. En 1491, il entreprend un voyage à Colmar pour rendre visite à l'artiste, mais celui-ci meurt le 2 février 1491 alors qu'Albrecht est encore en route. Il n'arrivera à Colmar qu'en 1492. Maison de Dürer à NurembergEn 1494, il rentre à Nuremberg pour se marier avec Agnes Frey, selon le désir des deux familles. Après avoir effectué son tour de compagnon à travers l'Allemagne, il séjourne à deux reprises à Venise, en 1494 puis en 1505. Ce séjour le marque profondément. On lui fait alors la commande d'un retable pour l'autel de Notre-Dame, dans l'église nationale de la colonie allemande à San Bartolommeo, La Vierge de la Fête du Rosaire. En 1507, Dürer rentre à Nuremberg et entreprend d'étudier les langues et les mathématiques. En 1512, il reçoit une pension de l'empereur Maximilien de Habsbourg avec titres de noblesse en devenant le peintre de la cour. Il en fait le portrait. À sa mort, il entre au service de Charles Quint. En 1526, il peint Les Quatre Apôtres. Il écrit des livres parmi lesquels « Les Règles de la Peinture » ou le « Traité des proportions du corps humain » publié en 1525 et traduit par Louis Meigret en 1557. Il illustre plusieurs ouvrages, tels que « l'Arc triomphal » et le « Char triomphal de Maximilien », « la Passion de J.-C », « l'Apocalypse », « l'Histoire de la vierge Marie », et « La nef des fous » (Das Narrenschiff) de Sébastien Brant. Il eut Barthel Beham, Hans von Kulmbach (de), Hans Baldung comme élèves. Dürer, le graveur
Melencolia I, gravure d'Albrecht Dürer (1514)Rappelons que son maître Michael Wolgemut est « responsable de la publication de deux ouvrages xylographiques: le Schatzbehalter (ou thésaurus religieux) et la Chronique de Nuremberg, une sorte de précis historique publié en 1493 avec six cent cinquante-deux bois gravés comprenant trois cents personnages différents (deux cent soixante-dix rois, vingt-huit papes et une riche série de vues de villes, de paysages et de monastères) ». En 1490, il part pour faire son apprentissage ; en 1494, il découvre Vitruve et inclut le canon des proportions dans ses œuvres gravés. Les suites de gravure qui ont fait sa renommée sont deux séries de gravures sur bois - une « Petite Passion » composée de 37 gravures et une « Grande Passion » de 15 gravures plus une feuille de titre - et une « Passion » gravée sur cuivre de seize feuilles. À cela s'ajoutent une « Vie de Marie » de 19 gravures et une feuille de titre et surtout son « Apocalypse » rassemblant 15 gravures plus une feuille de titre. Il sert de référence pour les graveurs italiens et nordiques qui lui succèdent: Jacopo de' Barbari, Giulio Campagnola et Marc-Antoine Raimondi ou les petits maîtres de Nuremberg comme Georg Pencz et les frères Beham Barthel et Hans. Son jeune frère, Hans, est peintre à la cour de Sigismond Ier. Dürer, le mathématicien
1525, Underweysung der Messung, Instructions sur la mesureDéjà artiste accompli, Dürer se rend en Italie en 1494 et rencontre Jacopo de' Barbari qui l'initie au rôle des mathématiques dans les proportions et la perspective. Dürer se plonge alors dans les Éléments d'Euclide et le traité De architectura de Vitruve. Il s'instruit aussi dans les travaux d'Alberti et Pacioli. Il met en pratique ses nouvelles connaissances dans ses œuvres artistiques. Pour construire sa gravure Adam et Ève, il prépare son œuvre par un faisceau de droites et de cercles. Il analyse et développe la nouvelle théorie de la perspective notamment dans ses illustration pour La Vie de la vierge. Le goût d'Albrecht Dürer pour les mathématiques se retrouve dans la gravure Melancholia , tableau dans lequel il glisse un carré magique, un polyèdre constitué de deux triangles équilatéraux et six pentagones irréguliers. Il s'intéresse aussi aux proportions (proportions du cheval et proportions du corps humain). Il commence à rassembler de la documentation pour rédiger un grand ouvrage sur les mathématiques et ses applications dans l'art. Ce mémoire ne paraîtra jamais mais les matériaux rassemblés lui serviront pour ses autres traités. Son œuvre mathématique majeure reste les Instructions pour la mesure à la règle et au compas (1538, De Symmetria... and Underweysung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheit), qui développe en quatre livres les principales constructions géométriques comme la spirale d'Archimède, la spirale logarithmique, la conchoïde, l'épicycloïde, le limaçon de Pascal, des constructions approchées des polygones réguliers à 5, 7, 9, 11 ou 13 côtés et de la trisection de l'angle et de la quadrature du cercle, des constructions de solides géométriques (cylindre, solides de Platon..), une théorie de l'ombre et de la perspective. Il laissera son nom sur un perspectographe simple à œilleton. La géométrie descriptive (à l'origine de la morphométrie) nécessaire à la représentation des corps dans l'espace, initiée par Dürer sera reprise, deux siècles plus tard, par Gaspard Monge qui en fera un développement complet et artistique. Fortune Critique
Jacques Wimpfeling, 1502 Élève de Martin Schaungauer, Albrecht Dürer, un Allemand du Nord aussi, domine tout particulièrement notre époque et peint à Nürenberg les tableaux les plus accomplis, que les marchands apportent en Italie où les peintres les plus célèbres les tiennent en même estime que ceux de Parrhasius et d'Apelle. Albrecht Dürer: Armoiries des Scheurl et des Tucher, c. 1512Christoph von Scheurl, 1508 Que dois-je dire au demeurant du Nurembergeois Albrecht Dürer qui de l'avis général occupe en notre siècle le plus haut rang tant en peinture qu'en sculpture? Alors qu'il était récemment en Italie où j'ai souvent servi d'interprète, il a été salué par les artistes de Venise et de Bologne comme un deuxième Apelle. Les Allemands qui résident à Venise font remarquer que le tableau le plus réussi de la ville a été exécuté par lui, celui où il a représenté l'empereur si précisément que seul le souffle semble lui manquer. Trois tableaux décorent aussi la très sainte église de Wittemberg près de l'autel. Avec ces trois peintures il pensait pouvoir rivaliser avec Apelle. Comme chez nous, ces anciens peintres habités par une nature joyeuse - comme d'ailleurs tous les gens instruits - notre Albrecht est aussi social amical, aimable et très droit, ce qui explique qu'il soit très apprécié par les hommes les plus remarquables et aimé par dessus tout comme un frère par Willibald Pirckheimer, un homme hautement instruit en grec et en latin, un orateur remarquable membre du conseil de la ville et chef militaire. Érasme de Rotterdam, Dignus est artifex qui nunquam moriatur: Il est un artiste digne de ne jamais mourir Joachim Camerarius l'Ancien, 1532
Nous savons que notre Albrecht est originaire de Hongrie mais que ses ancêtresont émigré en Allemagne. Il n'est pas nécessaire de s'étendre davantage sur ses origine et sa famille. Aussi digne de respect qu'aient été ses ancêtres il est sûr qu'il leur a prodigué plus d'éloge qu'il ne lui ont rendus. La nature l'a doté d'un corps d'une stature imposante qui, comme de droit, convient à l'immense esprit qui l'habite. Il a une tête expressive, des yeux perçants, un nez de belle prestance que les Grecs appellent parfait, un cou assez allongé, une large poitrine, un corps bien charpenté, des cuisses musclées et des jambes solides. On n'a sans doute jamais vu de doigts aussi fin que les siens. Le ton de sa voix était si agréable et si plein de charme que les auditeurs étaient séduits avant qu'il n'ait cessé de parler. Il n'avait poursuivit d'études "littéraires", mais il en avait acquis le savoir, particulièrement dans les sciences de la nature et les mathématiques. De même qu'il avait saisi et appris comment faire passer le plus important en pratique, il avait de même compris comment l'exposer clairement. Preuves en sont ses écrits de géométrie; je ne vois pas bien comment on pourrait encore progresser dans cette science, tant il a pu la maîtriser. Son esprit vif l'a amener à se comporter conformément aux bonnes mœurs et à une vie morale où il s'est si bien illustré qu'on l'a fort justement considéré comme un homme d'honneur. Mais il n'était pas d'une rigidité bougonne ou d'une dureté repoussante; il n'est pas resté indifférent aux agréments et aux plaisirs de l'existence liés à la noblesse et à la droiture et vieillard, il s'adonnait encore aux sports et à la musique que nous a légué e l'Antiquité. Philippe Melanchthon, 1546 Je me souviens que le peintre Albrecht Dürer, un homme de grand talent et de grande capacité, m'avait dit que dans sa jeunesse il aimait les peintres aux couleurs vives et qu'il avait procuré une grande joie à un des ses admirateurs par l'harmonie de ses couleurs. Ce n'est que plus tard, déjà âgé, qu'il avait commencé à observer la nature et à tenir compte de ses manifestations propres; il avait compris que c'est précisément dans cette simplicité que résidait l'honneur de l'art. Comme il n'avait pas pu tout à fait l'atteindre, il n'avait plus, disait-il, admiré ses œuvres comme auparavant mais il était souvent déçu lorsqu'il regardait ses tableaux et pensait à leurs faiblesses. Joachim von Sandrart, 1681 Repose donc en paix, prince des artistes! Toi qui es plus qu'un grand homme! En art personne ne t'as égalé!, Tu as enluminé la terre, aujourd'hui, c'est le ciel qui te possède. Tu peins désormais au royaume de Dieu. Les architectes, les sculpteurs, less peintres t'appellent leur patron et te ceignent dans la mort d'une couronne de laurier. Vixit Germaniae suae Decus ALBERTUS DURERUS Artium Lumen, Sol Artificum, Urbis Patr. Nor. Ornamentum, Pictor, Chalcographus, Suculptor sine Exemplo, Quia Omniscius, Dignus Inventus Exteris, Quem Imitandum Censerent. Magnes Magnatum, Cos ingeniorum, Post Sesqui Seculi Requiem, Qui Parem non Habuit. Solus Heic Cubare Jubetur, Tu Flore Sparge Viator. A.R.S. MDCLXXXI. J. De. S. Traduction: Albrecht Dürer, le fleuron de l'Allemagne, est mort. Le rayonnement de l'art, le soleil des artistes. Noricus, Honneur de sa ville natale, un peintre un graveur, un sculpteur qui n'avait pas son pareil, Parce qu'il était instruit de toutes les sciences, les étrangers l'on honoré et l'on pris pour modèle. Il était un aimant qui a attiré à lui tous les hommes distingués, une pierre où les autres ont aiguisé leur compréhension encore un siècle et demi après. Parce qu'il n'avait pas son pareil, il doit reposer seul ici. Passant, déposes des fleurs sur sa tombe. En l'an 1671, J von Sandrart a fait inscrire ceci pour cet homme hautement méritant. Johann Joachim Winckelmann, 1764
Car Holbein et Dürer, les pères de l'art en Allemagne ont fait preuve d'un talent étonnant en ce domaine-ci; et si comme Raphaël, le Corrège ou le Titien, ils avaient pu admirer et reproduire les œuvres des Anciens, ils auraient été aussi grands que ces derniers, oui, il les auraient peut-être même surpassés. Johann Gottfried von Herder, 1788
Parmi toutes les peintures qui se trouvent ici, celles de Dürer m'intéressent le plus; j'aurais aimé être un tel peintre. Il anéantit tout ce qui se trouve autour. Son Paul entre les apôtres, son autoportrait au dessus de la porte ainsi que son Adam et Ève sont des figures qui demeurent gravées dans l'âme. À part cela, j'ai vu aussi d'autres belles, très belles choses. Johann Wolfgang von Goethe, 1786
Ah si la chance avait poussé Albrecht Dürer un peu plus loin en Italie! A Munich, j'ai vu quelques pièces éminentes de lui. Le pauvre homme, comme il s'est fourvoyé à Venise en passant un contrat avec les curés, perdant ainsi des semaines et des mois! Comme au Pays-Bas où il croit saisir sa chance en échangeant des œuvres d'art merveilleuses contre des perroquets et où, pour s'épargner un pourboire, il fait le portrait des domestiques qui lui apportent une coupe de fruit. Un pauvre fou d'artiste comme lui me touche profondément, car au fond, c'est aussi mon destin sauf que je sais un peu mieux me venir en aide. Johann Kaspar Lavater, 1791
Dürer était inépuisable, infatigable, achevant tout: il ne savait pas faire à moitié ce qu'il avait la possibilité de mener à terme. Ce qu'il ne faisait pas bien, ... |